Au sein du microcosme sommital de notre arrière pays, le Pic Saint-Baudille, avec ses 848m, figure au rang des reliefs majeurs. Certains le considèrent même comme le K2 de la région, le titre d'Everest revenant naturellement au Roc Blanc qui le surpasse d'une petite centaine de mètres. Pour tous les amoureux de balades aériennes, le survol du Baudille constitue un des tous premiers graals qu'il convient d'inscrire à son palmarès.
Compte-tenu de la configuration aérologique des lieux, il est de coutume de n'aborder le Pic Baudille qu'en conditions à dominante sud ... rare sont ceux qui osent s'y aventurer lorsque le vent est au noroît. C'est pourtant ce qui s'est passé, ce vendredi 13 juillet 2018, lorsque 5 pilotes intrépides se sont lancés à l'assaut de ses pentes, alors même qu'une légère bise d'ONO en rendait l'approche plus que téméraire.
Si l'un de ces pilotes, fort de son expérience, a réussi à survoler sereinement ce monstre de calcaire en toute impunité, il n'en a pas été de même pour les 4 autres impudents. Arrivés trop bas pour se positionner au vent, ils n'eurent d'autre choix que de plonger en face sud vers un maigre relief inhospitalier en fond de vallée, le bien nommé "Font des Griffes".
L'étymologie du nom a fait l'objet de nombreux débats par le passé, mais il est maintenant de notoriété publique que celui-ci trouve ses racines dans le mot latin Fons et de son dérivé Occitan Font, qui signifie source, le mot Griffe étant pour sa part une évocation de la végétation particulièrement agressive qui hérisse ses pentes (les kékés) ... la source des griffes ... bienvenue en enfer !
Pour parfaire cette description du lieu et faire prendre conscience du gigantisme de ce relief, il faut en préciser la formidable déclivité de 6% ... de quoi faire pâlir d'envie nos amis belges.
Arrivés les premiers sur les lieux avec Dieu, et alors même que je m'acheminais vers un ersatz d'atterrissage, je ne dois ma survie qu'au message salutaire, à la fois éloquent et éminemment synthétique de mon compagnon d'infortune : "Bip" ! ... mon sang et ma voile n'ont fait qu'un tour et c'est ainsi que nous avons pu nous extraire de cet enfer impitoyable.
Ce n'est qu'alors que nous avons découvert, arrivant sous nos pieds, les audacieux Marco et Mihai ... j'avoue que nous n'aurions pas misé un leu (monnaie roumaine = 20 cts d'euro) sur leurs chances de s'en sortir, tant notre point bas à 100m/sol faisait pâle figure au regard de leur situation désespérée. Mais Marco a rapidement trouvé la source salvatrice et s'est prestement élevé vers nous, tel un papillon emporté par la bourrasque.
Il n'en a pas été de même de Mihai ... à la vue des mouvements que faisaient les kékés sur ses passages répétés au ras du sol, nous l'avons cru mille fois posé ... son supplice a ainsi duré plus de 6 minutes, à des altitudes oscillant entre 4 et 30 m/sol, avant qu'il ne s'élève enfin vers les cieux avec grâce et agilité !
D'aucuns, qui n'étaient pas présents sur les lieux, pourraient être tentés d'attribuer cette incroyable survivance à des compétences techniques et une pugnacité hors norme. Certes ... mais pour ceux qui ont observé ces événements en direct et qui ont vu à cette occasion se reproduire une situation similaire à celle du précédent vol vers Alès, cela n'explique pas tout ... nous avons aujourd'hui la certitude que Mihai entretient une relation de prédilection avec les kékés, qui lui permet de communiquer avec eux.
Pour nous, Mihai est définitivement "l'homme qui murmure aux oreilles des kékés" !
Pascal
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